La défense de Salah Abdeslam plaide contre «une peine de mort sociale»
Au procès des attentats du 13-Novembre, la défense du seul membre encore en vie des commandos a plaidé vendredi pour lui éviter la prison à vie.
Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis à l’encontre du Français de 32 ans la peine la plus lourde du code pénal : la réclusion criminelle à perpétuité incompressible, qui rend très infime la possibilité d’une libération.
Cette peine n’a été prononcée que quatre fois pour des crimes commis sur des mineurs par des hommes tous reconnus « psychopathes au sens psychiatrique du terme », relève Me Olivia Ronen, l’une des avocates de Salah Abdeslam.
Ce dernier n’est « ni psychopathe ni sociopathe », il n’est qu’un « exécutant déserteur » qui n’a « pas tué », insiste la pénaliste.
Me Ronen est revenue longuement avec son confrère Me Martin Vettes sur « l’évolution » au cours des dix mois d’audience de celui qui s’était présenté au premier jour comme un « combattant de l’État islamique ».
« Il a été capable de quitter cette carapace qu’il s’était consciencieusement construite en détention » et a présenté, en larmes, ses excuses « sincères » à l’ensemble des victimes, fait valoir Me Ronen.
Avec cette peine « démesurée, cruelle », le parquet veut « le sanctionner comme un symbole », vilipende l’avocate.
Cette sanction est digne d’un « tribunal militaire » qui juge des « ennemis » et non « des accusés », dit également Me Vettes. « L’accusation vous a demandé de neutraliser définitivement un ennemi en vous demandant de le condamner à une peine de mort sociale », martèle-t-il.
« Sanctionner Salah Abdeslam à la hauteur de la souffrance des victimes, c’est la loi du talion », ajoute Me Vettes. Sa consœur paraphrase Georges Brassens : « +Mourir pour des idées d’accord, mais ce sera de mort lente+ ».
Dans le box, Salah Abdeslam, polo blanc à manches courtes, garde les bras fermement croisés et ne lâche pas ses avocats des yeux.
« Faire rentrer des ronds dans des carrés »
Selon le ministère public, il est le « coauteur » des attaques au Stade de France, sur les terrasses mitraillées et dans la salle de spectacles du Bataclan, considérées comme une « scène unique de crime ». Seules les tentatives d’assassinats sur les policiers intervenus lors de l’assaut au Bataclan lui font encourir la perpétuité incompressible.
Le Pnat veut « faire rentrer des ronds dans des carrés », proteste Olivia Ronen, dénonçant un « ovni juridique ». « Parce que potentiellement on aurait pu être ailleurs, on doit être condamné comme si on avait été là », raille l’avocate.
Son client, souligne-t-elle, ne conteste pas la « coaction » au Stade de France, où il a déposé les trois kamikazes avant de se rendre dans le XVIIIe arrondissement de Paris.
Le « dixième homme » des commandos jihadistes qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis n’a cessé, au cours des débats, d’affirmer qu’il avait « renoncé » à tuer le soir du 13 novembre 2015, refusant « par humanité » d’actionner sa ceinture explosive.
Pour ses avocats, cette « recrue de dernière minute » de la cellule jihadiste, le seul des commandos à ne pas être allé s’entraîner aux armes en Syrie, a eu « une morsure de la conscience ». Ce renoncement est une « donnée essentielle qui devra peser sur votre décision ».
L’accusation n’a jamais été convaincue par les explications à l’audience de Salah Abdeslam, et continue de privilégier la thèse d’un dysfonctionnement de son gilet explosif.
Mais pour le parquet, « le doute est systémique à chaque fois que Salah Abdeslam ouvre la bouche », peste Me Ronen.
L’un des « grands enjeux » du procès était de savoir si le principal accusé, qui s’était tu pendant les six années d’instruction, allait s’exprimer.
« Depuis neuf mois, il parle », s’exclame Olivia Ronen. « Ce procès n’aurait pas du tout été le même si Salah Abdeslam avait gardé le silence, et il y aurait eu un profond sentiment d’échec collectif si tel avait été le cas », affirme Martin Vettes.
La défense veut que la cour prenne le temps de « comprendre comment on passe du +petit gars de Molenbeek+ à l’intérimaire de l’État islamique, pour finir membre d’un commando de Daech » (nom arabe de l’organisation État Islamique).
Elle demande aussi que la cour se pose une question fondamentale : « Est-ce qu’un jour cet homme pourra revenir dans la société, ou est-il définitivement perdu ? »
« Je ne présente aucun danger pour la société », avait assuré sans ciller Salah Abdeslam à l’audience.
En clôturant deux semaines de plaidoiries pour la défense de 14 accusés jugés depuis septembre, Olivia Ronen lance à la cour : « Je ne vous demande pas du courage. Je vous demande d’appliquer le droit avec toute la rigueur que votre conscience exige ».
L’audience reprendra lundi à 9H30 avec les derniers mots des accusés. Le verdict est attendu mercredi en fin de journée.